Prises de parole introductives : “L’éducation, bien commun : une autre façon de penser l’école ?“
Nous avons souhaité une démarche participative pour cette première session afin que chacun s’approprie les termes du débat, les enjeux de la démarche et que collectivement nous puissions explorer voire construire un projet d’école, d’éducation.
Cette démarche intervient dans le contexte :
- d’un mouvement social contre la réforme-loi des retraites où la jeunesse se mobilise – et pas seulement elle – avant tout pour un monde différent, désirable, soustrait à la loi du « tout marché », un monde fait de liens, solidarités plurielles, justice, équité … avec une référence souvent brandie à mai 68.
- d’une démultiplication des luttes pour préserver des territoires de la destruction des terres agricoles, de l’artificialisation des sols, privatisation de ressources …, luttes ancrées dans une accélération du désastre climatique et plus globalement écologique qui creuse encore davantage des inégalités multidimensionnelles.
Et pourtant, dans cette rupture souhaitée, affichée, d’avec le modèle dominant, il est assez peu question d’éducation, d’école dans les débats et ce, alors même que :
- La dégradation de la santé mentale de la jeunesse est plus que préoccupante . Si, depuis son rapport de 2021, la Défenseure des droits met l’accent sur la dégradation de la santé mentale des 15-24 ans, les plus jeunes ne sont pas épargnés. Une enquête commandée à l’institut Ipsos par le collectif Notre avenir à tous montre qu’en 2022 un adolescent français sur deux souffre de symptômes dépressifs et anxieux. L’épreuve du COVID, l’hyper-connexion, la situation climatique, l’état du monde et d’autres facteurs qui le plus souvent interagissent expliquent ces résultats. Or, la question de la souffrance est rarement liée à la question éducative et à la considération des enfants, adolescents comme sujets dans leurs apprentissages
- La complexité du monde dans lequel on vit doit amener à repenser les questions de savoirs, de transmission, de nécessaire, d’indispensable transdisciplinarité Cette réflexion est à nouveau empêchée par les politiques éducatives qui se succèdent ; l’actuelle école du pacte « enseignant » qui segmente les missions enseignantes ou encore la réforme du lycée professionnelle exclue et empêche cette réflexion de fond.
L’éducation bien commun : pourquoi ?
- L’UNESCO en 2015 livre un rapport sur l’éducation, intitulé : “L’éducation : un bien commun mondial ?“, suivi, en 2021, d’un autre rapport : “Repenser nos futurs ensemble – Partie 2 : un nouveau contrat social pour l’éducation“. Par ailleurs, on retrouve la notion d’éducation comme bien commun social chez certains experts des communs
- En 2021 paraît chez Massot la brochure-manifeste “L’éducation bien commun“ de Raymond Millot, instituteur, conseiller pédagogique, militant, artisan du projet militant de l’école ouverte de la Villeneuve à Grenoble. Il pose de manière plus directe le sujet d’une éducation bien commun, donc d’une école comme lieu d’émancipation qui accorderait à l’enfant, au jeune, un vrai statut de sujet outillé pour affronter les nouveaux enjeux auxquels nous sommes confrontés : climatiques, sociaux, démocratiques,
Le groupe éducation du CNNR
- Né début 2021, le groupe soutient, cherche à faire connaître, à enrichir et à mettre au débat la proposition de Raymond Millot, d’où le partenariat avec l’Université du Bien Commun à Paris.
- En 2021, rassemblement du CNNR à Saint-Priest (42) : nous avons abordé le sujet à travers des ateliers créatifs animés par Marie Preston, enseignante-chercheuse à Paris VIII et plasticienne ; le constat a été fait pour notre collectif que l’éducation ne doit pas rester une question d’experts, que chacun a une expertise à partager sur l’école, que le sujet de l’éducation nous concerne toutes et tous.
- Au printemps 2022, lancement d’un appel à témoignages ; un certain nombre de récits sont collectés sur l’expérience de l’école et les représentations de ce que serait une
Education-Bien-Commun ; certains sont affichés à l’atelier de l’Académie du climat
- En novembre 2022, lancement d’un appel, “C’est tout le système éducatif qui doit bifurquer“, dans la lignée, le prolongement, des élèves bifurqueur.se.s des grandes écoles au printemps dernier (amorcé en réalité depuis 2018 et le manifeste du Réveil écologique). Ces
étudiant.e.s ont prononcé un discours de rupture, critique de leur formation et de ses débouchés qui pousse selon eux « à participer aux ravages environnementaux et sociaux en cours ». Ce discours de sept minutes a généré en quelques jours plus de dix millions de vues, des tweets de personnalités politiques, de tribunes …
Pourquoi cet appel à bifurquer du CNNR ?
- face à la crise climatique, à l’épuisement accélérée des ressources, à l’accroissement des inégalités dans le monde, parmi lesquelles les inégalités scolaires, on ne peut plus différer le changement en profondeur de notre école pour amener à des choix de vie qui amèneront une autre économie plus respectueuse de l’autre dans toutes ses dimensions.
- cette bifurcation, en réalité un changement de cap, de paradigme, suppose d’emprunter la voie de la coopération à la place de la compétition, de l’émulation à la place de la concurrence, de l’entraide à la place de l’individualisme, de rompre avec l’école de la reproduction sociale.
- cette bifurcation nécessite aussi de poser comme préalable l’idée que nous sommes tous en capacité d’apprendre, ce qui remet en question les notions de mérite, talent, volonté, exclusivement personnels.
- cette bifurcation concerne tous les champs disciplinaires, suppose une inter-transdisciplinarité pour penser un projet fort de l’école, une école qui est aujourd’hui toujours celle de la reproduction sociale.
La démarche en partenariat
- Il est apparu nécessaire de construire ensemble, de dépasser en les approfondissant les représentations d’une EducationBienCommun collectées lors des témoignages. Pour cela,
– un cadre, celui des communs et biens communs, exposé par Jean Pascal Derumier de l’UBC
– une démarche que décrira précisément Joëlle Cordesse du GFEN, démarche active, individuelle et collective, qui doit nous permettre de créer les conditions d’une bifurcation nécessaires pour penser l’éducation bien commun, pour produire ensemble du possible, des possibles qui vont naître de la confrontation de nos idées.
- Les pistes, contributions apportées ce soir, seront un point d’étape important pour aller solliciter ensuite les signataires de l’appel à bifurquer, 24 signataires de champs différents (sciences de l’éducation, historienne, philosophe, sociologue, artiste, pédopsychiatre, militant pédagogique) que nous inviterons pour des contributions, prises de parole qui nourriront le débat Education-Bien-Commun et permettront de préciser nos pistes.