L'Appel du 27 mai 2020


Pour des Jours Heureux : déclaration du Conseil National de la Nouvelle Résistance du 27 mai 2020

Cette déclaration, réalisée dans l’urgence, est un point de départ. Elle sert à notre groupe de support et d’horizon.

Les membres du groupe ne sont pas d’accord avec la totalité des points soulevés ici, mais cette déclaration, fruit d’une synthèse et de réécritures acharnées, a obtenu un large consensus.

Elle sera encore à enrichir avec vous, citoyens, syndicats, partis, associations locales et nationales, auxquels nous pensons en rendant public ce texte.

Depuis quatre décennies, les progrès majeurs du CNR de 1944 – la protection sociale, le droit du travail, les services publics, la redistribution des richesses et la garantie de l’emploi – ont été démantelés.

La pandémie de Covid-19 nous plonge dans une crise globale, redoutable entrelacement de crises d’ordre sanitaire, économique, écologique, social et politique.

Sortir de l’état d’urgence imposé par cet État le plus vite possible, s’attaquer aux désordres où s’est enracinée la crise, sont aujourd’hui les défis majeurs auxquel nous avons à répondre.

Des mesures de circonstance ne pourront suffire. Seule une vision partagée de l’avenir et une convergence des luttes permettront d’inverser le rapport de force pour sortir d’un modèle économique néolibéral, dévastateur pour les vies humaines et l’environnement.

Notre mouvement citoyen s’inscrit dans l’esprit du Conseil national de la résistance et se propose d’être un point de ralliement.

“Résister, c’est créer. Créer, c’est résister” nous disaient en 2004 de grands résistants, dans leur Appel aux jeunes générations.

Cet appel résonne en nous

La recherche effrénée du profit, l’explosion des inégalités, l’inaction face à la crise sociale, au dérèglement climatique, à l’épuisement des ressources, les guerres et catastrophes industrielles et nucléaires se combinent pour amplifier chaque année les risques globaux pesant sur tous les peuples.

La crise est morale et systémique.

Elle s’accompagne d’une perte de sens et de liens que les détenteurs du capital tentent de combler par une surconsommation inutile et toxique. Et d’une compétition généralisée, convertissant la vie en chiffres et profits.

La barbarie est multiforme.

Elle nous coupe des autres espèces vivantes, nous faisant seuls destructeurs des écosystèmes et de notre planète.

Au lendemain de la crise qui touche tous les peuples de la planète en même temps, qui porte atteinte aux droits et libertés gagnés par les luttes sociales et politiques, le peuple français réaffirme les valeurs énoncées dans la Déclaration de 1789, le Préambule de 1946 et la Charte de l’environnement de 2005 et proclame en outre les principes suivant pour la refondation démocratique de la société :

  1. La Terre, maison commune des humains et non-humains, et les droits fondamentaux de la personne humaine sont les principes référents de toutes les politiques publiques locales, nationales, européennes et mondiales.
  2. La délibération publique est le principe de fabrication des lois et règles de la vie commune dans tous les secteurs d’activités, politique, social, environnemental, économique et culturel.
  3. Tous les citoyens, nationaux et non-nationaux, concourent à la délibération publique et ont un pouvoir de réclamation et de contrôle sur la mise en application des décisions issues de la délibération.
  4. Les biens communs ne peuvent faire l’objet d’aucune appropriation privée. Ils sont gérés par des services publics citoyens.
  5. Les biens communs sont l’air, l’eau, la biodiversité, la santé, l’éducation. La liste des biens communs est complétée par une délibération d’une convention de citoyens.
  6. Les milieux de vie(fleuves, montagnes, forêts)deviennent entités juridiques et possèdent tous les attributs qui en découlent nécessairement dont l’accès à la justice.
  7. L’organisation économique repose et met en œuvre les principes de solidarité, d’égalité hommes/femmes, de participation des travailleurs aux instances de détermination de la politique de l’entreprise et le principe de responsabilité sociale et environnementale.
  8. Le CNNR entre en résistance contre la marchandisation des activités humaines et celle des êtres vivants ; contre la guerre de tous contre tous érigée en doctrine dite de la libre concurrence ; contre ceux, financiers ou membres de classe sociale dominante qui vivent par et pour le profit.
  9. La rupture avec le capitalisme financier et clandestin est la condition absolue de toute transition écologique.
  10. Le CNNR met en discussion des principes de refondation d’une société vivable, solidaire et respectueuse de tous les êtres vivants.

 

Le principe de la refondation démocratique est celui du bien commun.

La refondation de la démocratie vise à établir la souveraineté du peuple aux échelons locaux, nationaux et mondial.

La démocratie, gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, appartient à tous, femmes et hommes. Aucune décision ou mesure les concernant ne peut être prise sans leur participation. Ces principes sont intangibles et ne peuvent être ni suspendus, ni réduits.

Le contrôle est la garantie de la participation des citoyens au gouvernement du peuple. Il s’exerce, dans des assemblées élues, par le caractère impératif du mandat donné et par la possibilité de révocation des représentants.

Aucune portion de l’État ou de ses serviteurs, aucun secteur de l’Administration ou de ses agents, ne peut s’exonérer de ce contrôle ou y déroger.

La solidarité gouverne l’action publique. L’économie devient sociale et solidaire. Par la fiscalité, l’État développe une politique redistributive des richesses produites.

Le principe de solidarité s’applique par l’amélioration continue d’un système de Sécurité sociale public accessible à tous et par le renforcement fortement progressif de l’imposition des revenus et des patrimoines.

La solidarité envers les travailleurs sans papiers ou précaires s’exprime par l’attribution pérenne d’un logement et la régularisation des pièces administratives nécessaires à leur emploi.

La solidarité avec les pays pauvres s’exprime par l’aide et le concours que leur apporte gratuitement et massivement la nation française.

La solidarité intergénérationnelle s’exprime par l’obtention d’une retraite décente pour tous les travailleurs.

Le rôle de l’État est de protéger le bien commun et de garantir à chacun les moyens d’exister.

L’air, l’eau, la biodiversité, la santé, l’éducation, la culture, les connaissances, la recherche, le climat sont institués en tant que biens communs. Leur réappropriation, leur protection et leur répartition – en particulier la gestion de l’eau et des espaces naturels – sont une première nécessité.

Ces biens communs devenus service public, administrés par des citoyens, ne pourront être aliénés et concédés au secteur privé. Ils seront hors marché.

Les principes d’économiser les ressources rares, de non-gaspillage, de sobriété de consommation sont au fondement d’une économie non productiviste, respectant les êtres vivants non humains, les sols, les nappes phréatiques, les forêts.

Les objectifs de transformation de la production sont fixés dans une planification démocratique. La réorientation et de relocalisation d’une agriculture paysanne, biologique et solidaire marque la rupture avec un productivisme destructeur.

L’industrie bannit l’obsolescence programmée et favorise le respect de l’environnement, la durabilité des produits.

À côté des indicateurs quantitatifs de richesse, il est fait obligation à l’Institut national de la statistique de calculer et de promouvoir des indicateurs qualitatifs de santé de répartition et d’inégalités, d’empreinte écologique, de réduction des consommations de matières.

Les règles contenues dans le droit du travail ne peuvent pas être régressives

La Constitution reconnaît à tous ceux qui sont en âge d’être actifs le droit à l’emploi, à un revenu décent, à une formation. Ce principe est étendu pour garantir une indemnité à toutes les personnes privées d’emploi ou qui ne peuvent y avoir accès – malades, invalides, chômeurs, retraités, professions indépendantes, paysans, etc. – ou qui sont en formation au-delà de 18 ans.

La réponse aux besoins essentiels et la transformation écologique sont des principes au cœur de la réorganisation économique et sociale et des politiques publiques locales, nationales, européennes et mondiales.

Le salariat est protégé, renforcé, démocratisé sur la base d’engagements réciproques, entre les salariés et la direction.

L’égalité des salaires et revenus hommes-femmes devient la règle impérative, ainsi que la parité dans toutes les instances.

Aucune restriction au droit de grève et au droit de manifester n’est admise.

La santé est un droit fondamental de l’être humain et un bien commun. Elle est gérée par les représentants de toutes les parties concernées et repose sur quatre services publics :

  • service public du soin et de la prévention
  • service de santé publique et de sécurité sanitaire
  • service public de l’enseignement en santé et de la formation continue indépendante de l’industrie de la santé
  • service public de la recherche médicale et pharmaceutique en lien avec la pratique médicale et hospitalière L’objectif de la politique de santé est le bien-être et le bonheur commun. Toute approche technocratique, comptable ou financière est exclue

Le droit à l’éducation et au soin est un acquis social pour tout enfant vivant sur le sol français. L’éducation et l’ensemble des soins nécessaires à son bien-être doivent être gratuits et accessibles en proximité.

Tous les professionnels ayant en charge des mineurs sont qualifiés par un diplôme. Une formation professionnelle spécifique à chaque métier est requise pour tous, enseignants, agents, éducateurs, assistants.

Les programmes scolaires sont publics, connus par tous les citoyens. Ce qui doit être transmis à l’ensemble de la génération suivante est une charge qui doit être débattue.

La lutte contre le racisme et le sexisme, producteurs d’inégalités inacceptables, sont partis intégrantes de ces programmes.

La recherche scientifique et technique fait l’objet d’un investissement considérable de la nation ; les crédits affectés à la recherche publique sont planifiés à long terme et sanctuarisés ; la recherche privée est encadrée et régulée.

Dans les domaines de l’éducation, de la recherche et de la culture, le financement public, qu’il soit national ou local, est réservé aux établissements publics.

À l’instar de l’éducation ou de la santé, la culture est un service public à part entière et ses productions des biens communs que l’État doit soutenir et promouvoir. Elle bénéficie de subventions, d’institutions, de protections qui permettent d’en assurer une diffusion démocratique à l’abri des pressions du marché.

L’exception culturelle est réaffirmée comme un principe intangible et inaliénable comme le sont les biens les plus précieux de notre patrimoine.

L’information de qualité pour le plus grand nombre est un bien collectif, garanti par la Constitution.

Elle ne saurait dépendre ni d’intérêts privés, qui dégradent l’information en marchandise, ni du gouvernement, qui la censure en fonction de ses objectifs. Les médias ne peuvent appartenir à des personnes ou sociétés ayant un quelconque lien avec la fourniture des marchés publics.

L’État garantit un équilibre de moyens et d’audiences entre trois secteurs : un secteur privé, un secteur public et un « tiers secteur » de médias citoyens à but non lucratif quel que soit le support, papier, radio, télévision, nouveaux médias numériques.

L’état d’urgence étant levé, la reconnaissance biométrique, l’usage de drones, le croisement et l’analyse algorithmique des données urbaines, le traçage des données privées à des fins publicitaires et plus généralement la technosurveillance, seront prohibés.

La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés sera seule à même de juger de ces exceptions. Elle voit ses pouvoirs et son indépendance renforcés.

L’utilisation de l’outil informatique par l’État doit être transparent. Les algorithmes utilisés pour prendre des décisions administratives doivent être publiés dès leur mise en œuvre.

La transformation sociale et écologique de la société exige un contrôle et une maîtrise du financement de l’économie.

Le secteur bancaire est socialisé pour contrôler la création de monnaie via le crédit.

La banque centrale, sous autorité gouvernementale, détient la maîtrise du crédit, le financement des budgets publics et le contrôle de la monnaie. Les dettes publiques sont auditées, dénoncées le cas échéant, et rééchelonnées à très long terme.

La banque centrale est autorisée à financer directement les investissements publics.

Le contrôle bancaire est renforcé. Tout transfert vers un paradis fiscal est banni.

Le refinancement par la banque centrale des banques ordinaires est soumis à la présentation de collatéraux soutenables socialement et écologiquement.

Le capital des banques d’affaires et des banques de dépôts est séparé. Les banquesde dépôts ne prêtent plus d’argent aux banques d’affaires. Celles-ci ne peuvent plus

spéculer avec l’argent des banques de dépôt.

La paix est un bien commun. Elle n’est pas assurée par le concert des puissances mais garantie par le partage transnational des valeurs de solidarité.

La sécurité d’une entité politique ne peut avoir pour bornes celle d’une autre. Elle est repose prioritairement sur la solidarité objective des travailleurs et des habitants de la T erre.

Les forces armées sont un organe public de défense ; leur professionnalisation et technicisation ne doivent s’accompagner d’aucune forme de privatisation.

Tout ce qui menace les mécanismes fondamentaux de solidarité et le respect des droits inaliénables des peuples est exclu.

La France prend l’initiative d’une conférence mondiale pour refonder les institutions de la société globale sur les principes de la participation des citoyens et de la coopération loyale entre les peuples.

La nation française est un groupe humain qui forme une entité politique souveraine, qui partage des biens communs et qui met en œuvre dans un cadre républicain les valeurs universelles de liberté, d’égalité et de fraternité.

 » Omnia sunt communia  » *

L’urgence est telle que nous appelons à une mobilisation de tous: dans la rue face aux pouvoirs, mais aussi dans les communes pour créer des réseaux actifs et vivants, embryons de nouveaux mondes.

Nous réaffirmons la valeur des droits et libertés énoncés dans la Déclaration de 1789, le Préambule de 1946 et la Charte de l’environnement de 2005, et mettons en outre les principes énoncés à la délibération collective pour la refondation démocratique de la société :

Refusons ensemble la détérioration de nos conditions de vie et les atteintes à la planète que les défenseurs du système néolibéral poursuivent avec méthode.

L’ambition du CNNR est d’être territoire de ralliement et d’appeler les groupes locaux et des organisations nationales et internationales qui résistent et luttent à tracer avec nous de nouveaux horizons.

Nous appelons à enrichir cette déclaration de principes, à la faire discuter par le plus grand nombre (notamment lors d’un grand rassemblement que nous organiserons cet automne), à définir des mesures immédiates et à construire ensemble le projet de société pour des jours heureux.

* « Toutes choses sont communes », Thomas Müntzer, prêtre et théologien révolutionnaire du XVIème siècle.