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Un nouveau CNR ?

Il est nécessaire de prendre en compte non seulement la part lumineuse du CNR (l’unité des maquis, la Libération et le grand programme anticipateur d’un nouveau pacte social dont la Sécurité sociale est le coeur) mais aussi ses points aveugles qui ont conduit rapidement à son explosion après la Libération : l’absence de prise de position sur le vote des femmes (le CNR fut en retrait sur De Gaulle sur ce point), rien sur la question coloniale ni, plus généralement, sur les enjeux internationaux qui commençaient à se dessiner vue la fracture croissante qui apparaissait entre « les alliés »  tels l’URSS et les États Unis.

On peut comprendre les raisons de ces points aveugles à l’époque, par exemple la non prise en compte totale de l’enjeu écologique qui était hors du champ de conscience de toutes les forces vives de l’époque. Mais, comme il s’agit d’initier un nouveau rassemblement aujourd’hui, nous ne pouvons les ignorer. 

C’est le cas par exemple de la nature même de la résistance à développer. Le CNR avait pu associer la lutte contre la barbarie nazie avec celle, plus simple et classique, de la lutte contre l’occupant allemand. Mais les deux éléments n’étaient pas superposables longtemps. Tous les allemands n’étaient, heureusement, pas  des nazis et la barbarie n’était pas, hélas, le monopole du seul régime hitlérien.

On a pu voir ensuite avec Hiroshima et Nagasaki, le colonialisme français et les goulags staliniens et maoïstes que la résistance à barbarie ne pouvait être circonscrite à une seule nation ou à un seul type de régime.  Si nous envisageons les enjeux actuels nous sommes donc obligés de préciser davantage la nature de la résistance, ses adversaires et l’arc des alliés susceptibles de combattre ce qui nous semble relever de nouvelles formes de barbarie. Et là , si nous serons sans doute d’accord pour caractériser celles liées à l’hypercapitalisme,  il nous faudra aussi organiser la résistance contre les formes de neo-totalitarisme qui apparaissent en particulier en Chine et dans nombre de régimes qui basculent dans un modèle autoritaire.

Et, pour ce faire, nous aurons moins besoin d’un rapport de force au sein du CNR, du type de celui qu’évoque Gilles Perret dans son interview des Inrocks, que d’une capacité, comme le propose Edouard Glissant, à rassembler des projets qui sont issus d’identités-racines différentes tant au sein de la société politique qu’au sein d’acteurs de la société dite civile. Toute tentative hégémonique, à l’instar de celles des communistes et des socialistes hier, ou de certains écologistes ou insoumis aujourd’hui, conduira à l’échec. Comme le dit très bien Claude Alphandery dans son article du Nouvel Observateur il nous faut nous appuyer sur l’équivalent de l’intelligence collective et du débat démocratique né dans les maquis . Je cite à nouveau cette phrase importante de son texte :

« Certains maquis devenaient ainsi des sortes de clubs de citoyens, où se forgeait l’opinion que les objectifs de la Résistance n’étaient pas seulement militaires, mais aussi civiques et politiques. Et je puis assurer que les débats de ces réfractaires sans grade, de ces réfuzniks ont eu une réelle influence sur les têtes pensantes du Conseil National de la Résistance. »

Telles sont à mon avis, les éléments à prendre en compte si nous voulons réussir cette belle tentative à laquelle vous invitez.

Patrick Viveret (membre de l’initiative « #LesJoursHeureux » , initiative en continuité avec le film de Gilles Perret puis de l’archipel citoyen « Osons les jours heureux »)

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