Aussi étonnant que cela puisse paraître, la Sécurité sociale n’apparaît pas véritablement au rang des institutions de la République. Aujourd’hui, elle n’y a sa place que dans un dispositif budgétaire technique, par nécessité, par incidente, au fin fond du texte constitutionnel. Elle n’y a sa place que pour définir la compétence du législateur dans le cadre des lois de financement. Elle n’y a sa place que par et pour ce qu’elle coûte. Elle n’y a sa place que comme une charge financière à maîtriser sans que sa place ni son ambition ne soient énoncées. Son rôle et si fort et sa base juridique si faible…
C’est à cette anomalie que nous proposons de remédier en l’inscrivant dans notre Loi fondamentale en tant que telle pour mieux la protéger en tant qu’une des concrétisations les plus puissantes de la République sociale. Et en y précisant ses principes fondamentaux, ceux de la solidarité nationale et du service public.
En effet, il est frappant que malgré l’intégration du Préambule de 1946 au bloc de Constitutionnalité, la République sociale soit si malmenée dans les interprétations du droit et réduite à l’obligation de mettre en œuvre une politique de solidarité en faveur des plus défavorisés. Pour Ambroise Croizat, selon qui la Sécurité sociale n’était pas « qu’une affaire de lois et de décrets », « ce qu’elle donne aux Français ne résulte pas de la compassion ou de la charité, elle est un droit profond de la personne humaine ».
DYNAMIQUE D’INVENTION SOCIALE
Pour nous, elle doit demeurer inscrite dans une dynamique d’invention sociale. Celle-là même qui a fait sa force depuis sa naissance, alors qu’il fallait réparer un pays marqué par l’Occupation et la collaboration, et ne laisser aucune chance aux entreprises fascistes en portant un espoir social réparateur pour le respect de la dignité humaine.
Nous savons que depuis sa création, les puissances d’argent cherchent à la démanteler. Ses défis contemporains sont nombreux et il y aurait beaucoup à dire sur son évolution. Nul ne pense ici que cet acte réglera tout, ni qu’il opérera une protection définitive et parfaite. Mais c’est la Constitution qui dispose de la plus grande portée normative et nous souhaitons la faire valoir comme partie intégrante de « l’identité constitutionnelle de la France ».
VERS LE 80e ANNIVERSAIRE
La proposition de loi constitutionnelle qui sera débattue le 30 mai à l’Assemblée nationale ouvre un débat nécessaire sur la place que nous entendons donner à cette institution fondamentale à laquelle notre peuple est profondément attaché. Le Rassemblement national s’est empressé de s’y opposer en lui reprochant de ne pas appliquer le principe de préférence nationale et en critiquant chacun des termes de son principe fondateur : « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ». N’est-ce pas une démonstration suffisante à celles et ceux qui doutent de sa nécessité ?
À l’inverse, avec cette constitutionnalisation, nous proposons de produire un geste de rassemblement, un geste qui réaffirme notre attachement à la Sécurité sociale comme un bien commun essentiel, un geste de réappropriation sociale et citoyenne, un geste de protection tourné vers les défis à venir, un geste qui pourrait trouver son aboutissement au moment de célébrer son 80e anniversaire l’année prochaine en lui faisant franchir une nouvelle étape.