« Bertrand, ça fait maintenant quelques années que l’on se côtoie sans forcément se voir au travers de tes écrits, de tes conférences ou de mes films. Tu auras jalonné nos vies militantes en y ajoutant juste ce qu’il faut de carburant pour mieux appréhender le monde vorace qui nous entoure et pour mieux le combattre. Tu resteras dans nos esprits comme étant celui qui aura mis son savoir et sa générosité au service de l’intérêt général jusqu’à ton dernier souffle. Respect camarade ! » Gilles Perret
« Nous avons beaucoup échangé compte tenu de son état. Gerard Mordillat l’a entraîné dans cette aventure. Il savait qu’il allait partir, il le savait bien, plus sûrement que nous, et il continuait pourtant à échanger. Me concernant il m’a envoyé un message aux petits oignons concernant mes aventures au Media… Je me demandais comment et pourquoi un type qui se savait condamné continuait à jouer le jeu avec tant de constance, d’intelligence et de légèreté. Je n’ai pas la réponse. Je pense pour l’avoir très peu connu que ce type était d’une essence assez rare… ça n’a que très peu d’importance mais je suis défait » Denis Robert
« En relisant les textes de Bertrand sur les pique-niques, je me dit que le CNNR vient de perdre son conteur. Fonction éminemment nécessaire à tout processus révolutionnaire » Yannick Kergoat
« Je suis bouleversé par cette nouvelle. Je ne connaissais pas personnellement Bertrand mais j’avais été très sensible à son accueil et à sa générosité lors du lancement du CNNR. Je garderai le souvenir d’un homme de conviction engagé au service du bien commun. Avec toute ma sympathie à sa famille et à ses amis« . Pierre Ygrié
Mon très cher Bertrand,
Je t’écris cette lettre que tu ne liras jamais. Ta mort me bouleverse, comme si j’avais perdu un ami de toujours, et pourtant nous ne nous connaissions très peu. J’ai fait ta connaissance en zoom lors des premières réunions du CNNR, nous avons échangé par message et nous nous sommes rencontrés une matinée alors que tu étais déjà très malade.
Tu as donc été une étoile filante pour moi, mais la lumière que tu me laisses est permanente. C’est simple, je n’avais absolument jamais connu de gens comme toi. En cela tu es non seulement rare, mais unique. Tu as fait des études brillantes, tu as écrit de nombreux livres, et pourtant tu étais heureux avec ton CAP de cuisine. Cela, je l’ai appris par tes amis après ta mort, car s’il y a bien un premier adjectif qui me vient en pensant à toi c’est MODESTE.
Mais ta grande humilité ne faisait pas de toi un être effacé, tu étais « au service de ». Les rares fois où j’ai communiqué avec toi m’ont impressionné.
Je te savais malade (je l’avais appris par d’autres parce que sur ce plan aussi tu ne te plaignais pas et tu n’en parlais pas) et ta raison de vivre c’était les autres. Autrement dit-nous. Autrement dit moi quand on se parlait. N’importe qui aurait mis toute son énergie à s’occuper d’abord de soi dans ces moments extrêmes, mais toi tu es resté tourné vers les autres, jusqu’au bout.
Ainsi, à la création du CNNR, tu as répondu à tous les mails, tu as écrit un très beau texte pour accompagner les pique-niques, tu t’es jeté dans cette bataille avec beaucoup d’amour. Et c’est surtout de cela dont je voudrais parler.
Ce n’était pas seulement de l’énergie, du cœur comme on dit, mais de l’amour. Oui Bertrand tu nous as donné beaucoup d’amour. De cet amour pur, sans contrepartie, un amour gratuit. Il n’y avait chez toi aucune posture. Tu avais une puissance d’analyse infiniment subtile, une connaissance de l’économie et de la politique puissamment éclairante, mais tout cela était guidé d’abord par un regard bienveillant, plein de tendresse. C’est ce regard qui était ton moteur, qui te faisait t’intéresser à ceux dont certains osent dire « qu’ils ne sont rien ». Ce regard mon cher Bertrand m’a bouleversé, retourné.
Je dois t’avouer que j’ai pleuré à la pause après t’avoir vu ce samedi de septembre. Tu te savais condamné et tu étais là, comme si de rien n’était, à partager modestement ton point de vue avec nous. Quelques semaines plus tard tu es entré à l’hôpital et nous avons échangé. Tu attendais avec impatience le livre du CNNR fraichement publié. Je t’ai envoyé ce message «Cher Bertrand, je pense bien à toi, et souvent. Je crois que Sabrina va t’apporter un exemplaire du bouquin mais il n’est pas si facile à trouver. As-tu besoin de quelque chose ? Bises ». Et tu m’as immédiatement répondu cette toute petite phrase « Non merci vos sms me font du bien ».
Mon très cher Bertrand, c’est à moi de te dire merci, de te dire que tu m’as fait beaucoup de bien et que ta mort si rapide me fait beaucoup de mal. Je remercie du fond du cœur le hasard, le destin, les circonstances de t’avoir rencontré. Tu n’imagines pas ce que tu m’as donné, je ne pourrai jamais te le rendre. Je voulais que tu saches, là où tu es, que tu es de ces rencontres qui engagent à se tenir debout, pour être à la hauteur.
Le jour où j’ai appris ta mort, une réplique de Shakespeare m’a traversé l’esprit, elle te va si bien. Juliette dit à propos de Roméo :
« Et quand je mourrai que tu le prennes et l’éclates en petites étoiles. Dès lors, il embellira tant le visage du ciel que tout l’univers sera amoureux de la nuit, et que nul ne pourra plus adorer l’aveuglant soleil. »
Je t’embrasse fort ma petite étoile.
Samuel Churin