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Bifurquer : le nouvel opus de Raymond Millot

Raymond Millot nous a quittés le 19 Août. A 98 ans, il venait tout juste de publier son dernier opus : "BIFURQUER ... CHANGER L'ORDRE MILLENAIRE". Véritable manifeste pour l'éducation, ce texte constitue un trésor de réflexions et d''expérience et ouvre des pistes enthousiasmantes pour améliorer l'avenir de nos enfants.

   

L’avis du CNNR – Groupe Education

 
L’accroissement des inégalités sociales lié à la crise écologique, à la montée de l’extrême-droite et des haines à travers le monde, avec son lot de guerres et de brutalités, le diktat de la peur, relayé par les réseaux sociaux et par un grand nombre de médias main stream. ainsi que par nos gouvernants comme hypnotique puissant de la pensée et arme tout aussi puissante de la soumission, nous obligent à faire un choix : le choix de la bifurcation. Nous obligent car est-il encore possible de penser qu’il n’y a ni urgence, ni nécessité, non pas à sauver la planète – elle en a vu d’autres – mais à NOUS sauver, à sauver l’espèce humaine qui n’est pas anthropologiquement déterminée à se détruire, à détruire les uns pour sauver les autres, à reproduire l’histoire des colonialismes, des dominations et des servitudes en tout genre ?
Posons la bifurcation comme acte de résistance face aux peurs, aux destructions, aux guerres, comme autant de sujets résistants, capables d’écoute, de constructions collectives, de projets humanistes. C’est cette même bifurcation dont parle Raymond Millot dans sa toute dernière brochure. Et elle s’envisage dès l’école, lieu où l’enfant-sujet doit pouvoir s’outiller pour affronter un monde sans cesse plus complexe et pourtant réduit très souvent par les médias et les partis à une binarité simpliste et dangereuse. Il est grand temps d’explorer le scénario 3 que nous propose ce pédagogue militant qui n’a eu de cesse de penser l’école comme lieu d’apprentissages et de vie, comme ouverture sur le monde proche et lointain, ouverture indispensable à la construction d’une réelle émancipation de tous les diktats précités. 
Oui il s’agit bien d’une utopie mais concrète parce qu’elle est plus que jamais le lieu où se dénoue le nœud des impossibles, elle est LE lieu pour penser une école en dehors de sa dépendance à un pouvoir politique aliéné à une économie dévastatrice. Raymond nous offre des pistes qui prennent corps dans un scénario qui n’est pas que fictionnel : les expériences passées qu’il a vécues ou suivies montrent que cette bifurcation est possible. Et les expériences présentes de bifurcation le montrent aussi. Il s’agit alors de lancer des états généraux de l’éducation qui ne soient pas instrumentalisés par le pouvoir en place mais qui à l’image d’une grande convention citoyenne permette de penser, construire l’école de demain. Dans cette dernière brochure, Raymond Millot suggère de s’inspirer du statut du système de santé et nous invite à débattre, explorer, construire ensemble. S’emparer du sujet de l’éducation, en faire un bien commun sans attendre une énième réforme soumise au rythme des mandats électifs. Le projet est radical et parce qu’il est radical, il suppose de quitter l’ordre millénaire, de sortir d’une reproduction sociale et d’une histoire des dominations qui poursuit sa dévastation pour nous empêcher de construire les bases d’une véritable justice sociale.  L’enjeu est de taille mais la pensée salvatrice, une pensée ancrée dans des pratiques, une praxis, porteuse de transformation. R. Millot invite les mouvements d’éducation nouvelle réunis dans Convergence.s à nourrir les pistes qu’il propose et à en débattre au-delà des organisations qui font de l’éducation leur champ premier. Parmi elles le CNNR (mouvement qui a été lancé en 2020 par le journaliste – et préfacier de la brochure – Denis Robert, suite à une lettre ouverte de Raymond Millot) interpelle aujourd’hui le Nouveau Front Populaire et ses députés pour qu’ils constituent un gouvernement de résistance.
Le groupe Education du CNNR aura à poursuivre ce chantier d’exploration, à le proposer aux débats publics pour que le système éducatif puisse entamer une bifurcation qui pose comme postulat les besoins humains, les cultures et les diversités, la reconnaissance de la dignité de chacun.e et non les besoins d’une économie ultra-marchande aliénante. Penser la bifurcation institutionnelle (page 29 de la brochure) demande à chacun.e d’entre nous de sortir du système de pensée dominant, de réfléchir, d’agir comme sujet pour permettre “ [non pas] une sélection qui éloigne du peuple les plus doués [mais] une élévation continue du niveau culturel de l’ensemble de la nation  (plan Langevin Wallon).  En résumé, il s’agit de quitter l’ordre millénaire en faisant du point 4 de l’Appel de 2020 le pilier de la bifurcation à construire.  Raymond Millot nous indique la voie à suivre ; le cap est clair. Il ne nie pas les difficultés dont il sait que la plus grande est certainement de dépasser nos propres aliénations, de refuser le statut d’objet.
Insister. Insister longtemps. 

    

Un dernier mot de Raymond Millot :

 
La réalité et l’ampleur des « violences sexuelles faites aux enfants », ne peut être contestée, même si l’organisme qui les révèle (la CIIVISE) est critiqué. Le commentaire accompagnant son rapport (celui de novembre 2023) nous interpelle :
« Nous, la société, nous sommes trompés.  Nous avons cru qu’il était préférable de faire comme si ça n’existait pas, comme si c’était impossible.  Nous avons préféré ne pas voir »
Qui, en juillet 2024, parle encore de ce scandale et de son ampleur ?
                                                               ————————–
 
Dans « BIFURQUER – CHANGER L’ORDRE MILLENAIRE », j’ouvre une réflexion sur le statut du vivant, des personnes, en particulier des femmes et des enfants, à qui l’on assigne, depuis des « millénaires »,  un statut d’objet (philosophiquement « ce qui est pensé »), et du combat mené pour acquérir le statut de sujet (« qui est ce qui pense »).
 
Partant du mouvement Me Too et du rapport de la CIIVISE, qui tous deux dénoncent le statut d’ « objets sexuels » que subissent femmes et enfants, j’invite à réfléchir plus globalement sur le statut d’objet que la famille et la société assignent à l’enfant, et notamment le système éducatif qui vise à le formater de multiples manières.
 
J’invite à ne pas s’accommoder de ce constat, à ne pas « faire comme si ça n’existait pas, comme si c’était impossible », à ne pas « préférer ne pas voir ».
 
Et, en conséquence, à envisager l’alternative suivante :
celle d’un système éducatif indépendant du pouvoir politique dans lequel, à l’exemple du système de santé, le statut de sujet reconnu à l’enfant contribuera, tout autant que le savoir, à son émancipation.
                                                           
 
Raymond Millot, août 2024
 
 

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